[Lecture] L’épave romaine de la Madrague de Giens
Le nom de l’épave de la Madrague de Giens évoque pour ceux qui travaillent sur le commerce maritime et l’archéologie navale en général le souvenir d’une fouille sous-marine qui a contribué à fonder notre discipline et lui a donné ses lettres de noblesse.
Découverte en 1967 par l’école de plongée de la Marine Nationale au nord de la presqu’île de Giens, l’épave gît sur un fond d’une quinzaine de mètres, scellée par une épaisseur de matte de posidonies de plus de deux mètres.
La publication en 78 d’un volume consacré aux résultats des campagnes de fouilles de 1972 à 1975 donne voir à la communauté scientifique l’incroyable travail accomplit, et de ce qui restera l’une des fouille d’épave les plus complète qui soit. Divisé en neuf chapitres consacrés aux différents aspects du navire et de sa cargaison, l’ouvrage richement illustré est un véritable manuel scientifique et méthodologique qui a inspiré des générations d’archéologues.
Après une introduction consacrée au déroulement de la fouille, réalisée par tranches et qui a bénéficié d’une importante logistique opérationnelle, une large partie est dédiée à la cargaison. Le navire transportait principalement des amphores Dressel 1B, en provenance du Latium et une cargaison complémentaire de céramique campanienne. Grâce à des relevés minutieux, les auteurs sont en mesure de restituer le ou plutôt les schémas de disposition des amphores, qui évoluent en fonction de la zone de la cale. Disposées par rangs parallèles ou en quinconce, calées par un fardage de genévriers et de joncs, les amphores s’élevaient sur trois ou quatre couches superposées. Certaines de ces amphores, qui combinées à quelques monnaies et à la céramique retrouvée permettent de dater le naufrage du milieu du Ier s. av. J.-C., semblent manque dans l’épave. Il s’agit de la conséquence de l’action des urinatores, ces plongeur-sauveteurs payés par les armateurs pour récupérer une partie de la cargaison de l’épave, et sauver les quelques équipements de valeurs, comme la pompe de cale.

Sous la cargaison, qui devait se compter en milliers d’amphores, la coque du navire était préservée en grande partie. La carène est préservée sur 7.45 m de large et près de 2.7 m de haut. La longueur totale de l’épave était à cette époque encore inconnue. Charpente longitudinale, bordé, membrures, vaigrage, payol, emplanture, épontilles : la quasi totalité des éléments constitutif du navire était en partie ou totalement conservée et a pu être observée en détails.

Le navire présente une carène à retour de galbord. La quille porte deux rangs de râblure pour un double bordé, protégé par un doublage extérieur en plomb. La membrure est constituée d’une alternance de varangues et de demi-couples. Certaines varangues sont brochées à la quille, peut-être pour assurer la solidité de l’ensemble. Bien que le navire soit probablement conçu sur bordé premier, sa construction relève probablement d’une technique mixte, associant virures et couples dans la définition des formes de la carène.
La poursuite de la fouille, et de l’étude, de l’épave de la Madrague de Giens, a livré d’autres publications permettant de restituer en grande partie le navire. Mais la publication de cet ouvrage reste, et restera, un jalon essentiel de l’historiographie de l’archéologie maritime.
Référence :
TCHERNIA (A.), POMEY (P.), HESNARD (A.). — L’épave romaine de la Madrague de Giens, Var : fouilles de l’Institut d’archéologie méditerranéenne, campagnes 1972-1975. Paris : Ed. du CNRS, 1978. 122 p. (Gallia. Supplément ; 34).
Pour aller plus loin :
POMEY (P.). — Le navire romain de la Madrague de Giens. Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 126, 1, 1982, p. 133‑154.
POMEY (P.). — La structure du navire de la Madrague de Giens et le type hellénistique. Ligures, Rivista di Archeologia, Storia, Arte e Cultura Ligure, 2, 2004, p. 370‑373.
TCHERNIA (A.). — Les urinatores sur l’épave de la Madrague de Giens. Cahiers d’histoire, 33, 3‑4, 1988, p. 489‑499.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Alex Sabastia (14 décembre 2020). [Lecture] L’épave romaine de la Madrague de Giens. Stoechades. Consulté le 21 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/ul42